« Tu apprendras à tes dépens que le long de ton chemin, tu rencontreras chaque jour des millions de masques et très peu de visages ». Luigi Pirandello, dramaturge et poète italien, prix Nobel de littérature en 1934, n’évoquait bien évidemment pas avec prophétie notre période actuelle. Les individus n’ont pas attendu la pandémie mondiale de Covid-19 pour revêtir un masque. Un terne masque, loin des colorés parfois exhibés ces dernières semaines pour se protéger, mais aussi dissimuler une bouche avare de douceur.
L’espace public est peuplé d’individus pris dans le tourment de leur vie, dans leurs problèmes personnels, dans leurs contraintes professionnels. Même avec leurs proches, ce masque de souffrances semble difficile à retirer. Alors, on suit tous le mouvement et on s’enferme dans cette froideur.
Copier les autres, abandonner sa personnalité ;
Etre sans les autres, privilégier son individualité.
Parfois, un sourire se présente, sans motif, au moment d’entrer dans le métro, en commandant un café, à la caisse du supermarché… Simple politesse sociale qui provoque un sourire bienveillant en réponse. Mais ces petits moments anodins semblent en voie d’extinction.
Les drames du quotidien, viols, meurtres et autres actes terrifiants « motivés » par la religion, la sexualité, la bêtise (pour rester poli), ou seulement le hasard encombrent notre espace collectif, qui croule sous cette peur de l’autre. Ce masque, tête basse, est une protection. Parce qu’il suffit parfois d’un seul regard pour vivre l’enfer sur terre, voire quitter la terre.
« L’enfer, c’est les autres », a expliqué Jean-Paul Sartre. Certes, mais, on pourrait lui rétorquer que le paradis, c’est les autres. Pour toucher ce sentiment de béatitude, il convient de risquer de tomber dans les tréfonds, de passer par le purgatoire d’autrui. Ou alors, on reste « seulement » sur terre à « connaître tout, excepté soi même » car « on peut tout acquérir dans la solitude, hormis du caractère » (Stendhal). Ni l’amour.
Il suffit d’un petit degré d’espérance pour reprendre foi en l’humanité. Un simple sourire peut changer la vie. Un visage aimant, qui offre sans raison et sans retenue son bonheur à vos yeux. Un acte de confiance appuyé accompagné d’un regard lumineux, qui vaut tous les discours. Votre âme est ressuscitée, vos ailes déployées pour toucher les nuages et lui ramener de ce voyage toutes les étoiles qu’elle mérite. L’amour a ce pouvoir de chasser toutes les peurs, toutes les interrogations, comme un vent de renouveau, pour devenir votre unique présent. Le premier sourire ne s’oublie jamais. Le sien a changé ma vie.
Cédric, inspiré par Laura, Milano, piazza XXV 25 aprile, 9/9/20